jeudi 8 décembre 2011

Triste cynique


Vendredi 11 août 2006
TRISTE CYNIQUE
 
Il m'arrive parfois de passer par la revue Multitudes
 
Je viens d'y lire quelques pages de Paolo Virno, philosophe marxiste italien né en 1952.  Je suis loin de bien le connaître.  J'ai lu en partie déjà Souvenirs du présent (1999).  Pas facile de circuler à nouveau dans Hegel et Husserl, mais l'esprit de ce livre ne m'a jamais quitté.  L'A. y critique finement l'acharnement - à droite - à siffler la fin de l'histoire.
 
Ici Virno constate que la réalité contemporaine est en sortie de scène du travail (salarié) et que le show désormais est défrayé par une accumulation (capitaliste) basée sur le savoir (incorporé au capital fixe).  D'où le thème serti de bulles cher aux petits caporaux du système : l'économie du savoir.  D'où les péroraisons souvent à côté de la plaque sur la fin du travail. 
 
Du point de vue de l'éthique, Virno avance quelque chose de crucial au sujet de la crise du commandement contemporain et du relativisme qui en découle, de l'utilisation de «l'autre» comme un objet pour arriver à ses fins.  C'est le règne du cynique «privatisé», girafe néo-libérale seule sur son île mais mondialisée.  
 
Conséquences?  Le cynique «bloque par avance toute aspiration à une communication dialogique transparente.  Il renonce d’emblée à la recherche d’un fondement intersubjectif à sa praxis, tout comme il renonce aussi à la revendication d’un critère commun d’évaluation morale.  L’effondrement du principe d’équivalence (c'est moi qui souligne) si intimement lié à l’échange et à la marchandise, se donne à voir, dans le comportement du cynique, comme l’abandon « sans douleur » des instances d’égalité.  Au point même, ajoute Virno, que l’affirmation de soi se fera justement à travers la multiplication et la fluidification des hiérarchies et des inégalités que semblent impliquer l’avènement de la centralité du savoir dans la production. (...) C’est toutefois dans l’absolue négativité même du cynisme contemporain, dans cette adaptation opportuniste à une nouvelle relation entre « Vie » et savoir, qu’il faut saisir une sorte d’apprentissage de masse des nouvelles conditions du conflit.»
 
Resterait à éclaircir ce qu'on entend au juste par «communication dialogique transparente».  Resterait aussi à savoir ce que Virno a pu ajouter à ce texte qui date de 14 ans.  Mais pour l'heure, sur le seul plan de l'éthique, même si l'économie, voire l'économisme, nous rebute et que nous avons tendance à faire porter l'analyse essentiellement sur le politique, on retiendra que l'analyse des rapports écomomiques n'est toujours pas devenue une idée complètement inutile... 
 
  Quelques notes à propos du general intellect
par  Paolo Virno
 
PAR JACKY BOY | LE 2006-08-11 10:33:07 | PERMALIEN 
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9 Commentaires :

Commentaire écrit le vendredi 18 août 2006 à 19:47:37 (lien)
Jack
Je reproduis ci-haut des extraits de courriels ayant entouré le débat. Les commentaires sont hachurés, je m'en excuse, gracieuseté de Monblogue qui limite l'espace sans le dire!


Commentaire écrit le vendredi 18 août 2006 à 19:45:18 (lien)
J.H.A.
(...)comment éprouver et rendre fertile une assertion telle que « Prolonger la journée de travail au-delà du temps nécessaire à l'ouvrier pour fournir un équivalent de son entretien, et allouer ce surtravail au capital : voilà la production de la plus-value absolue», dès lors qu'une partie des travailleurs sont propriétaires des moyens de production et que le capital est représenté par une coopérative d'épargne et un fonds de travailleurs syndiqués . Dans un tel contexte, il me semble que la notion de «vol» heurte certes, mais ne colle pas tout à fait de la même manière.


Commentaire écrit le vendredi 18 août 2006 à 19:38:26 (lien)
René
(...)Ton ami créateur d¹entreprise a raison de situer, sans culpabilité, la responsabilté de celui (ceux) qui au quotidien, au concret, essaient de pallier à ce rouleau compresseur du néo-capitalisme. L¹incantation sur la plus value n¹y aiderait en rien. Lui il fait, et ça sert. Quant d¹autres ³tchatchent², comme on dit encore chez moi.


Commentaire écrit le vendredi 18 août 2006 à 19:36:41 (lien)
René
(suite) 1)que cette accumulation a pour cadre un amont de la production concrète, et donc se situe essentiellement dans les anciens pays capitalistes et dans les NPI. 2)que le travail physiquement productif - j¹y inclus l¹entretien - persiste avec le déplacement bien connu vers les régions d¹exploitation dela main d'oeuvre d¹Asie, d¹Amérique latine, etc., et dans les secteurs des services «bas» des pays industrialisés (ouvriers agricoles, saisonniers, hôtellerie, restauration, livraisons...)


Commentaire écrit le vendredi 18 août 2006 à 19:35:36 (lien)
René
(...)En ce qui concerne l¹idée, assez communément admise que l¹accumulation du capital dépend plus du savoir que du travail, mon ignorance des réalités économiques me fait m'en tenir à deux idées tout aussi admises (cf. suite)


Commentaire écrit le lundi 14 août 2006 à 14:43:28 (lien)
jack
Jean-Paul, tu connais cent fois mieux que moi le chantier italien. J'ai lu dans tes interventions passées des critiques à propos de Negri que je ne connais pas du tout. Idem pour Petras. J'irai voir de ce côté. Dans Grammaire de la multitude, pour une analyse des formes de vie contemporaines, Virno préfère le mot multitude à celui de peuple. Le projet en sous-titre visant à analyser les «formes de vies contemporaines» est tout à fait intéressant, à l'égard de l'éthique appliquée en tous cas. J'irai voir de ce côté-là aussi. Mais pourquoi en effet ce lexique?


Commentaire écrit le lundi 14 août 2006 à 09:18:50 (lien)
Jack
Merci. Le dernier énoncé de mon texte -l'analyse des rapports écomomiques n'est toujours pas devenue une idée complètement inutile - visait davantage l'enterrement du vieux barbu qu'on appelle Marx. Car jamais il y a eu plus monde, analyses, perspectives économiques... L'économisme,tout s'explique, tourne autour de... Mais, tu as bien raison, cela est coupé du politique. L'enjeu est là. Et quand on met un peu de vernis politique pour convier à l'urgence, à droite, on parle de lucidité comme vient de le faire ici un Lucien Bouchard et son manifeste.


Commentaire écrit le dimanche 13 août 2006 à 22:46:07 (lien)
jean-paul
Suite... D'où le concept de multitudes face à celui de classes. James Petras, tout en prenant en compte la richesse des études de Virno, ne néglige pas le rôle du politique dans cette analyse. Pour faire court on peut prendre l'exemple du nationalisme:les transnationales en auraient fini avec le nationalisme, terrain majeur de la construction du politique, or qu'on le veuille ou non les transnationales gardent une base nationale et le nationalisme s'il a changé de nature n'en est pas moins une réalité économico-politique dont la mutation ne signifie en aucun cas la disparition. amitiés


Commentaire écrit le dimanche 13 août 2006 à 22:45:09 (lien)
jean-paul
juste pour répondre que la question économique reste à mes yeux cruciale à partir du moment où le politique démissionne globalement face à l'économique. Ce que les dominants reprochent à Chavez ce n'est pas de faire une révolution mais de réintroduire le politique face au pouvoir économique. Virno et Negri travaillent sur l'économique avec des approches assez similiaires, stimulantes quand il s'agit de prendre en compte les nouveautés économiques, mais dangereuses quand le politique reste à la remorque. (...)

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