jeudi 8 décembre 2011

De la nation à la marchandise


Samedi 24 juin 2006
JOSÉE VERNER : DE LA NATION À LA MARCHANDISE

Madame la ministre,
À L'occasion de la Fête nationale, alors que partout au Québec des milliers de personnes célèbrent leur identité et se rejoignent par la chanson, peu importe leurs convictions politiques, vous, vous estimez  que la question de la nation québécoise est périmée et n'intéresse pas les citoyens éveillés de la circonscription de Louis-St-Laurent.  Vos commettants, dites-vous, seraient plus préoccupés par la «livraison de la marchandise»!  Marchandise?
Comme ça, les Québécois qui vous ont élu ne comprennent guère ce qui a pu pousser les Écossais à se faire reconnaître comme nation distincte par toutes les institutions politiques anglaises, y compris Sa Majesté?  Puis, les Catalans?  Une grosse manchette et puis c'est tout.  Selon vos dires, on perd notre temps.  Le temps, c'est de l'argent et donc plus de marchandise à se mettre sous la dent.
En une circonvolution pour épater la galerie et passer à côté de l'histoire, M. Harper dit, pour sa part, qu'il reconnaît que l'Assemblée Nationale à solennellement  déclaré que le Québec formait une nation.  Et pis so what?
L'égalité politique de feu Daniel Johnson, c'est de la garnotte, n'est-ce pas?  De la passion inutile.  L'affirmation historique du Chevalier François-Marie-Thomas De Lorimier, qu'est-ce que c'est ça dont?  Une rue?  Le combat politique de René Lévesque qui visait la liberté des peuples et des nations du Québec, de la petite bière chaude à côté de la vraie marchandise super de luxe, n'est-ce pas?  Et donc, ce qui préoccupe les électeurs de votre circonscription, ce serait ce qui compte vraiment.  Qu'est-ce qui compte au Canada, à part vous et l'argent?  Ce qui compte, c'est l'unité, tout le monde sait cela.  Le «One nation, one country».  Car on y livre la marchandise autant que les pizzas en autant que tout soit uniforme et conforme.
Sans marchandage, serait-ce trop demander, madame la ministre, que ce pays reconnaisse noir sur blanc, nous sommes en 2006 n'est-ce pas, l'égalité des peuples et des nations du Canada?  Question de nationalisme au cube, me direz-vous.
Bien, si cela est une question oiseuse, que ce n'est même pas une question à l'ordre du jour, comment cela se fait-il qu'à tous les jours les gens en parlent?  Y compris vous-même.  Est-ce parce qu'on a les politiciens que l'on mérite?  Faudrait en parler aux électeurs de Louis-St-Laurent!
Au demeurant, la question n'est pas tant de savoir si le peuple québécois va tenir un référendum ou non, avec conditions gagnantes ou pas, sur l'indépendance, l'autonomie, l'association, le patin libre, peu importe le courant et les coureurs...  La question est : pourquoi sommes-nous dans une logique référendaire lancinante mais persistante depuis des décennies?  Pourquoi minimiser la réalité, noyer le poisson avec toutes ces petites questions posées dans un écho distordant à la Chambre des Communes depuis au moins 60 ans?
Mon sentiment est qu' un virage politique majeur est en train de se négocier.  Et ce virage, à long terme, a peu de chance d'être conservateur!  Regardez bien les Québécois aller!  Quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, le peuple québécois est maître et pour toujours de son destin, comme le disait Robert Bourrassa, votre ancien patron...
Depuis 25 ans, les Québécois - et même quelques-uns de vos électeurs qui votent encore à Québec à ce que je sache -, refusent, tous partis confondus, de reconnaître la Constitution de 1982.   Ils sont fatiguants ces rapaillés de la politique après le faux beau risque, Meech, Charlottetown et tutti quanti!  Et pourquoi donc, selon vous?  Dites-moi pas que c'est à cause d'un sujet qui n'intéresse personne!
Michel Chartrand a déjà dit : le nationalisme, c'est comme la libido, on ne peut pas s'en passer.  J'ajouterais pour ma part : libido et forte attirance vers l'espoir fou, oui fou, quand la nation porte le sens de progrès social, d'avancée démocratique, de bien commun, de partage, d'accueil, de liberté, de responsabilité, de dialogue avec le monde, d'amitié, de joie de vivre sa personnalité profonde.
Au cœur même du Gibraltar d'Amérique occupé par le Royal 22e Régiment, bataillon québécois (dans lequel j'ai déjà «drillé» avec mon ami James), où l'on découvre accroché au mur, près du Mess des officiers, le tout premier exemplaire du Fleur-de-lysé qui fut déposé à Québec, j'essais de capter l'écho, le sens véritable de votre déclaration de la St-Jean.  Peut-être que votre voix pointait vers le Canada anglais?  Peut-être vouliez-vous bien paraître aux yeux du premier ministre?  C'est bien en français que vous vous exprimiez?  Peut-être avez-vous tourné sept fois la langue et que le naturel est revenu en galopant.  Au fait, langue et nation, est-ce sur le même tas de fumier?  En tous les cas, excusez ma franchise, madame la ministre de la Francophonie, mais je crois que vous avez servi au public québécois une niaiserie politique remarquable.  Mais comme le notait Boris Vian, «dire des idioties, de nos jours où tout le monde réfléchit profondément, c'est le seul moyen de prouver qu'on a une pensée libre et indépendante».  Alors je suis de votre bord et je vous encourage à persister dans la même voie.
Vive la marchandise!  Vive les électeurs émerveillés de Louis-St-Laurent!  Vive le fleuve St-Laurent libre!  Vive Kyoto!

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