samedi 19 novembre 2011

Le Sommet des Amériques : l'autre versant


Samedi 5 novembre 2005
LE SOMMET DES AMÉRIQUES : L'AUTRE VERSANT
 
Bonjour.  15 secondes à la télé sur le sommet des amériques : 5 pour Bush, 5 pour Chavez et 5 pour 200 casseurs.  40 000 manifestants pacifiques n'existent pas.  Comme toujours. Je ne supporte plus cette manipulation des médias qui emporte tout sur son passage, y compris le débat au sein des forces démocratiques. Voici une page du journal de l'envoyé spécial de Point Gauche ! (1) à Mar del Plata.  Il y aura la suite pour les conclusions de ce sommet essentiel pour saisir le rapport des forces sur laplanète. amicalement
 
 j-p damaggio
 
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Mar del Plata, Argentine
Compte rendu de : Gianni Demai
 
3 novembre 2005, en direct du sommet des Amériques. Je suis parmi les marplatenses. J'avance tranquillement Avenue Independencia en direction de la mer. Avenue du 11 septembre, je vais prendre à droite pour atteindre le monument à la gloire de ceux qui sont morts pour l'Italie. La ville traverse un moment étrange : tout est fermé, les flics sont partout et on sent comme une agitation qui anime le regard des gens.

Je suis déjà devant les trois colonnes du monument qui symbolisent la terre, le ciel et la mer. Tout en haut, la louve romaine. Voici trente ans exactement j'apprenais avec douleur l'assassinat d'un Italien et c'est ce qui a guidé mes pas vers cet endroit de Mar del Plata. Ici, en Argentrine, on n'oublie pas Pasolini et si j'avais été à Buenos Aires j'aurais pu aller voir une rétrospective de ses films. Mais bon, je suis à 500 kilomètres plus au Sud, à Mar del Plata et je sens l'Italie un peu partout. La Palais municipal construit en 1938 par Luis Falcone (encore un nom qui fait penser à un mort pour l'Italie) reproduit une architecture de Florence.  Je ne suis pas ici en touriste ni en nostalgique de ma vie passée même si l'effort exceptionnel qui m'a incité à ce lointain voyage tient à quelques souvenirs. J'étais présent au Panama, en 1956,pour le premier sommet des prési- dents des Amériques : j'ai voulu retrouver cette ambiance dotée depuis, d'une autre sommet qui se tient en parallèle, le sommet des peuples des Amériques. C'est le troisième. Le présent, c'était dans les rues splendides de Québec !


Les 34 Chefs d'État au Sommet de Québec en avril 2001,
Archives Nationales du Québec 
 
 
Mar del Plata est coupée en deux comme le monde est coupé en deux.  D'un côté la cité touristique, vue sur la mer, grands hôtels, luxe exagéré, un tout petit coin du monde où 7000 policiers protègent une trentaine de chefs d'Etat. Bush avait envisagé de séjourner dans un porte-avion mais finalement il put réquisitionner l'Hôtel Sheraton (pour l'écrire à la castillane).

De l'autre côté, la cité où je marche, où des milliers de manifestants vont marcher demain pacifiquement, la cité populaire, celle qui souffre et va souffrir plus encore de la politique prévue par le sommet des chefs d'Etat, elle a pour symbole un musicien : Adolfo Pérez Esquivel, Prix Nobel de la Paix (j'ai noté avec grand plaisir la présence à ses côtés de l'Equatorienne Blanca Chancoso).

Un événement extraordinaire va se produire, un homme va participer aux deux sommets. Non, il ne s'agit pas de Lula, président du Brésil, qui, en son temps, participa au FSM de Porto-Alegre avant d'aller se vendre à Davos. Il s'agit, vous l'avez deviné, d'Hugo Chavez qui interviendra dans le stade où les opposants au sommet vont se réunir. Va-t-il réussir, dans le communiqué final des chefs d'Etat à faire enlever le mot « ALCA » (2) de la déclaration finale ? Lui, il défend le mot « ALBA » (3) et au stade, pour une aube toujours pleine d'espérances, il parlera après les chants de Silvio Rodriguez (il sera accompagné exceptionnellement par le groupe chilien Inti-Illimani). Emir Kusturica sera là et je ne sais si c'est pour la musique ou le cinéma : dans tous les cas c'est pour la poésie. Chavez et Bush le face à face permanent : Bush a réussi à faire signer un accord de libre-échange dans les Caraïbes (Cafta-DR). Chavez a réussi à faire signer aux mêmes un accord pour l'achat à bas prix de son pétrole ! Mais parleront-ils de la situation dramati-que en Haïti ?

Ici, le maire s'appelle Daniel Katz et le journal s'appelle La Capital. Hier j'y ai lu avec délice le compte-rendu du dernier livre de Salman Rushdie qui vient de paraître en France, Shalimar le clown. Rien à voir avec son précédent roman qui dénotait une certaine fatigue. Il retrouve son univers, là où le Cachemire est en ébullition (...)

Voici à présent quelques revendications du peuple en lutte : pas de paiement de la dette, (oui mais même le Venezuela de Chavez la paie); pas de militarisation du continent (mais le Paraguay comme la Bolivie vient de décréter, avant toute bavure, l'immunité pour les militaires nord-américains qui vont s'installer massivement au Paraguay); plus de droit à la santé et à l'éducation (or la misère progresse partout). Que peut-il se passer ?

J'écris aujourd'hui car demain vendredi et encore moins samedi, je n'aurai pas le temps. Demain, je serai au Théâtre Auditorium entre 16h30 et 17h15 pour l'inauguration officielle du sommet des chefs d'Etat (j'ai une entrée spéciale) avant d'aller au Stade retrouver le peuple. Les Huiles se réuniront à l'Hermitage Hôtel avec ensuite le repas au Casino Central. Les débats des géants porteront sur une grande politique de l'emploi (c'est un truc à la mode) capable de faire reculer la pauvreté et de consolider la démocratie. Une déclara-tion finale doit émerger mais à cette heure-ci les négociateurs n'ont pas encore trouvé un point d'accord total.

J'écris à 16 heures, après ma balade matinale vers le monument, tout en écoutant la fin d'un débat passionnant dans un atelier qui se tient dans une salle du Stade. L'organisateur est une revue du Venezuela America XXI et la discussion porte sur la réalité de l'ALBA qui se veut une alternative à Bush. Il y a dans la ville des milliers de débats qui se tiennent au Polideportive (toujours avenue Indépendance) et au Stade. Un des grands sujets est celui du rapport entre le nationalisme si fréquent aux Amériques et l'intégration bolivarienne. La pensée de Toni Negri (il est passé hier par l'Argentine en venant du Chili en route pour le Brésil) a été appelée au  secours ! Encore un Italien, mais celui-là me met en colère. Il a découvert la fin de l'impérialisme des USA auquel se substitue un Empire sans
frontière. Des Bolivariens le défendent car il prône l'intégration de l'Amérique latine pour accroître ce qu'il appelle un monde multi-polaire.  D'autres rappellent qu'il a dit Oui à la Constitution euro-péenne (avec la même idée, la constitution d'un autre pôle) et que sa pensée s'accorde tout à fait avec des éléments du néo-libéralisme. Franchement, le débat d'idée va à toute vitesse. Je sens que je fatigue et qu'à 17 heures, je vais rentrer me reposer plutôt que suivre les débats dans une salle à côté sur la marchandisation de l'éducation aux Amériques. Ce sont des chiliens qui doivent l'animer.  En fait, il faut que je me prépare surtout à la grande journée de demain qui fera date. Franchement, je ne sais pas si je pourrais vous en rendre compte.

 Notes jd:
 
1) Point Gauche ! est une publication (sauf erreur trimestrielle) du Sud de la France (Tarn-et-Garonne, Montauban et les environs) qui a plus de dix ans d'existence, qui vise à «informer librement pour agir autrement», est «à la recherche d'une idée neuve du bonheur».   http://perso.wanadoo.fr/jean-francois.mavel/pointgauche.htm
2) L'ALCA :  Zone de libre-échange des Amériques  (ZLÉA en espagnol)
3) L’ALBA : renvoie à une alternative réelle pour l’Amérique latine

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1 Commentaire :

Commentaire écrit le lundi 7 novembre 2005 à 06:48:07 (lien)
René Merle
Beau texte, Jean Pa ul. Et heureusement que Lula a consolé Bush...
René
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