jeudi 17 novembre 2011

André Breton a-t-il dit passe...

Mercredi 24 août 2005
ANDRÉ BRETON A-T-IL DIT PASSE...

À 17 ans, j’ai découvert les surréalistes, plus tard les automatistes québécois, et je n’ai plus eu peur d’avaler des cailloux parmi les mots qui n’en étaient pas encore pour trouver ma propre voix.  

Le grabuge de la pensée vivante, de la poésie en jeu, en rut, en gouache sauvage, peut-être irresponsable mais qui allait néanmoins transformer des pans entiers de la philosophie du XXe comme le montre l'excellent Yves Bonnefoy dans Breton à l'avant de soi (Farrago, 2001), ce fut la plus invitante, la plus colorée des parties de cartes de mon adolescence, bien au-delà de la révolte de mes humbles barricades en état d’ébriété. 

Depuis les dégâts causés par ces trompettistes des années 1920, on comprend que les cadavres exquis sont passés derrière le comptoir à steak de la pub!  Mais comme la mauvaise herbe dans les prés verts, comme le jazz qui pousse entre les craques de l'alsphate des villes, pour dire comme Gilles Archambault, il y a la poésie nue de recettes, de poudre à canon, de vache à lait, de joliesse mondaine rebelle, de bourses Mont-Saigneur, de nature morte, de poils jaunisse.

À 17 ans, on n'est pas sérieux, comme le pensait le jeune Arthur.  Mais j’aime toujours passionnément être déjoué tout craché, tiré ailleurs, ébloui dans mes rêves les plus fourvoyant, réveillé par un éclat de rire à la Cendrars, barbouillé d'encre, piqué par l’intensité sur le bout de la langue, un couteau entre les mots plates, propres et rangés, là où il n’y a ni haut ni bas, disait Breton. 

L’imagination, c’est de la magie surdimensionnée sur le coin des lèvres, en pleine tempête de neige vivante...  Place à la tribu de la magie des mots!  

Je tombe cette semaine sur un Roi Mage, ami des peintres (Bonnard, Matisse, Braque) et des écrivains : il s'agit de Jacques Kober, né à Chartres en 1925.  Ce jeune poète de 80 ans fait donc partie de la seconde génération des surréalistes.  Dans la revue Remue-Méninges #20 (Belgique), on trouve de ce bourlingueur à chat mot un tout petit extrait digne de l’embonpoint volatil :

«J’ai respiré une fille qui étreignait
ce qui se fait en direction de toutes les jambes des fièvres des marais
connaissant le bas de son corps comme une bride de sabbat
la nuit faisait cri de partout dans une hémorragie de sable où le sperme lui-même vidait ses poumons»

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